I
L’Humanité déchue était jadis pareille
À quelque voyageur égaré dans la nuit :
Le bruit le plus léger que perçoit son oreille,
Un rameau de bois mort tombant derrière lui,
Lui donnent le frisson des choses inconnues ;
Il avance en tremblant comme dans un tombeau,
Car les astres amis se sont voilés de nues,
Et des souffles d’orage ont éteint son flambeau.
S’il marche, il va rester au fond des précipices,
Et s’il s’arrête, un froid mortel le saisira…
Ah ! par pitié, brillez, astres propices,
Aux yeux du voyageur, qui, sans vous, périra !
Le ciel entend ses cris ; perçant ses sombres voiles,
Mille lampes d’argent scintillent dans la nuit ;
L’homme, alors, le regard levé vers les étoiles,
En attendant le jour, voit sa route, et la suit.
II
Cette nuit, que la peur emplissait de fantômes,
Cette nuit du péché, dérobait à nos yeux
La beauté de la terre et la splendeur des cieux.
Et ce flambeau, c’était la sagesse des hommes :
Flambeau qui vacillait près du gouffre béant,
Jetait au vent du doute une dernière flamme
Et mourait… Le mystère enveloppait notre âme,
Et l’immortalité n’était que le néant.
Plus même que la mort, la vie était funeste,
Car est-ce vivre, ô Dieu, que d’errer loin de toi ?
C’est alors qu’apparut à la naissante Foi
Ta Parole, Seigneur, ta lumière céleste !
Comme on voit, un par un, briller au firmament
Les clous d’argent dont la beauté des nuits est faite,
La Révélation, prophète après prophète,
Dans notre ciel obscur se leva lentement.
Même confuse, éparse, inachevée encore,
Elle montrait la voie aux hommes égarés.
Vous n’étiez pas le jour, écrivains inspirés,
Mais vous étiez déjà des promesses d’aurore !
Vous avez précédé l’Etoile du matin
Qui parut, et brilla plus que vous tous ensemble.
Et bientôt se fondra votre rayon qui tremble
Dans le jour qui se lèvre, à l’orient lointain !
III
Brillez encor, pures étoiles,
Puisque ce jour tarde à venir !
Sur le présent, sur l’avenir
L’erreur étend toujours ses voiles,
Cependant que l’humanité
Marche aux lueurs d’un incendie,
Et, par ces flammes éblouie,
N’aperçoit pas votre clarté !
Brillez sur l’âme criminelle !
Jusqu’aux gouffres les plus profonds
Faites naître, par vos rayons,
L’espoir de la Vie éternelle !
Eclairez tous ceux que séduit
L’éclat d’une science vaine,
Feu follet, lumière incertaine
Qui rend plus sinistre la nuit !
Consolez ceux pour qui la terre
N’a que des moissons de douleurs !
Que leurs regards, voilés de pleurs,
Voient par vous le regard du Père !
Sans vous, d’horreur environnés,
Beaucoup sont morts avant l’aurore.
Pour ceux qui veulent vivre encore,
Pages divines, rayonnez !
IV
Comme avant de les voir disparaître, on salue
Les constellations qu’efface le soleil,
O Livre, quand viendra l’heure du grand Réveil,
Quand la foi, pour toujours, fera place à la vue,
Nous te dirons : « Adieu, toi qui fus la clarté
De notre nuit d’erreur, d’impuissance et de crime ;
Toi qui nous apportas le message sublime
De la rédemption et de la sainteté !
Jésus-Christ, le chemin, la vérité, la vie,
O Bible, par toi seule est venu jusqu’à nous !
Heureux qui t’a sondée humblement, à genoux,
Et, voyant ta lumière, humblement t’a suivie !
C’est par toi, Livre saint, que Dieu s’est révélé !
Si nous n’avons pas vu le fond de ton mystère,
C’est qu’il est impossible aux enfants de la terre
De vivre à sa splendeur, s’Il ne reste voilé ;
Mais l’ombre, grâce à toi, cessa d’être effrayante ;
A l’âme qui cherchait la paix et le salut,
Tu ne montrais pas tout, mais tu montrais le but !
Tu fis la vie heureuse et la mort souriante.
Maintenant que le jour resplendit sur nos fronts,
Que, conduits par degrés à la pleine lumière,
Nous voyons l’Eternel dans sa gloire première,
Dans les siècles sans fin jamais nous n’oublirons
Que tu nous a montré le sanglant sacrifice,
Le Dieu qui, pour punir et sauver à la fois,
Se fit homme et mourut, unissant sur la croix
Les rayons de sa grâce aux feux de sa justice ! »